
Sur le bord du lac, elle s’étendit. Elle ne dit rien, elle s’abreuva simplement, librement. Elle venait seulement de briser ses chaînes et l’entrave exercée n’était pas encore démise. Elle avait encore tellement l’image de ces liens à ses poignets, ou ceux encore qui perçaient ses nageoires, elle préférerait les oublier. Elle perdit alors son regard vers le rivage et s’imagina les aventures qui pourraient s’offrir à elle. Son esprit débordait de créatures. Elle aurait pu se fondre dans n’importe quel paysage. Pourtant, et étrangement, c’est la réalité qu’elle préféra affronter. Le bateau qui lui apparaissait à l’horizon semblait certes similaire à celui qu’elle venait déjà d’affronter mais elle se sentait vivante et elle avait envie de vivre cette nouvelle aventure. Elle se jeta donc à l’eau et étendit ses écailles afin de rejoindre au plus vite ce qui l’attirait. Une fois contre le bois, elle tira sur ses bras et tenta d’observer ce qui se passait sur le plancher. Rien. Absolument rien. C’était un peu comme si l’équipage avait déserté. Elle observa à droite puis à gauche mais l’ambiance semblait parfaitement sinistre. Qu’est-ce qui avait donc bien pu l’attirer jusqu’ici ? Têtue plus que de raison, elle décida d’attendre la nuit tombée. Elle prit donc son mal en patience ce qui fut payant. Elle eut le bonheur d’admirer les traits de celui qui commandait. Pourtant quelque chose d’indicible glaça son sang, et ses tripes. Elle ne comprit pas tout de suite. Elle analysa. Son corps était en effervescence. Son cœur palpitait. Qui était-il ?
La Sirène eut un mouvement de recul face à ce phénomène qu’elle n’expliquait pas. Quel était cet organe qui résonnait si fort en elle ? Elle regarda de plus près le regard de cet homme et y vit une grande solitude. Il repoussait chaque être qui tentait d’entrer en contact avec lui. Pourquoi ? Parce qu’il ne s’aimait pas. En tout cas pas autant que ce qu’il aurait dû. Elle le sentait et le comprenait. Ce manque d’attention et d’affection, ce conflit qu’il avait ressenti sur terre, elle avait eu son équivalent en mer. Dans les profondeurs, son géniteur avait eu des mots très durs. Elle n’en était pas totalement remise. Et puis, le navire précédent n’avait pas été de tout repos. Il l’avait baladée dans une tempête qu’elle n’avait su maîtriser. Elle avait même manqué à plusieurs reprises d’heurter un récif. Pourtant, elle était toujours là. Comme quoi, la force mentale pouvait parfois être d’un grand secours.
Elle plongea donc de nouveau son regard océan dans celui couleur terre de ce capitaine solitaire. Il semblait si fier sur son bateau, on aurait pu croire qu’il n’avait besoin de personne. Pourtant, quand il tourna la tête dans sa direction, il ne put ôter son regard de son expression. Il se sentit défaillir. C’était un peu comme si son univers tournait désormais autour d’elle. Ses mouvements étaient désormais guidés par ses gestes. Son aventure se trouvait désormais dans son futur. Il s’approcha lentement du bord du bateau et elle eut un mouvement de recul très brusque. Elle était tétanisée à l’idée qu’il puisse l’aborder. Il resta donc figé quelques instants avant d’avancer sa main doucement. Elle le laissa faire et sentit une profonde chaleur au fond de son cœur quand ses doigts se glissèrent dans ses cheveux. Les guilis qu’elle ressentit au fond de son ventre furent instantanés. On lui avait souvent parlé de l’être aimé, là-bas, au fond des mers oubliées. Elle n’avait jamais vraiment écouté. Pourtant ce soir elle en était sûre, il était son futur.
25.04.22
Hatanna