Sélection d’Hatanna – Mars 2023

Bonjour à tous,

Voici pour vous une nouvelle sélection de livres… C’est partie !

Tout d’abord un roman coup de poing avec Riposte de Louisa Reid. Une jeune fille est harcelée. Elle est victime de grossophobie. Sa mère ne respire pas la joie de vivre, elle est couturière, ce n’est pas évident tous les jours. Lily va finalement se mettre à la boxe afin de combattre ces maux qui la rongent. Elle ira même jusqu’à gagner un combat.  La thématique de l’homosexualité est également évoquée.

Poursuivons avec Ma part de l’ours de Marine Veith. Un récit poignant qui nous emporte au cœur de la tempête. Poule a 20 ans et son frère Ouest 13. En réalité, leurs noms c’est Aurore et Tim. Ils doivent rejoindre leur mère internée mais quand la tempête se déclenche, la voiture lâche. Ils vont alors faire l’heureuse rencontre de Jacques qui va les conduire au centre de la montagne, là où coulent des sources d’eaux chaudes. Ils vont également faire la connaissance des défenseurs des ours. Mais quand la menace animale gronde, les jeunes gens ne savent plus vraiment dans quelle direction se rendre…

Troisième récit de cette sélection : The 8 list de Pierre Leauté. C’est pas si mal, mais moins trash que ce que la Sirène Tranchante avait imaginé. Le roman nous plonge un peu dans la même ambiance que le Loup de Wall Street. Tom plaque tout, meuf, patron, accessoirement père de sa meuf. Il veut monter une appli, la 8list. L’objectif ? Faire la liste des dix personnes qu’on déteste le plus, faire commerce de la haine. Il va y parvenir et se faire un fric monstre. Ce roman montre les déviances possibles générées par les applications et la haine des humains envers les humains. Nous sommes les seuls capables de tels actes pour en tirer comme seuls bénéfices du plaisir ou de l’argent. C’est un roman qui peut faire réfléchir et montre la décadence de quelqu’un qui atteint le sommet et dont le chute libre promet un atterrissage sordide.

Terminons enfin avec une touche de fantastique avec Le Manoir Lakesedge de Lyndall Clipstone. Vous aimez les monstres ? Venez donc découvrir celui-ci. Une jeune fille protège son frère que leur mère veut brûler à la cire parce qu’il a les ténèbres en lui. Déjà, ça s’annonce plutôt bien pour la suite. La mère force également sa fille à s’agenouiller sur des tessons de bouteilles. Là encore on est sur une bonne base d’esprit sain dans un corps sain. C’est finalement celui que tous nomment le monstre qui va les sortir de là et les protéger. Ils vont ainsi découvrir leur magie. Alors… qui est en fin de compte le monstre de cette histoire ?

Et voilà pour cette nouvelle série d’ouvrages. En espérant que tout ceci vous inspire ! La Sirène Tranchante vous donne rendez-vous prochainement !

À très vite !

Hatanna

Sélection d’Hatanna – Septembre 2022

Sélection du mois d’Hatanna – Septembre 2022

Hellow tout le monde ! Voici votre nouvelle sélection du mois par votre libraire pirate, ascendant Sirène Tranchante à ses heures perdues. Prêt ?

Débutons avec une histoire d’amour estivale qui se lit à merveille au bord de l’eau. Oui oui, c’est la reprise mais détendez-vous, l’été arrivera plus vite que vous ne le pensez. Ainsi, découvrons ensemble Shame  de Jenn P. Nguyen ! On retrouve bien là l’auteure de Fake qui était également une belle découverte.  Dans cette nouvelle histoire d’amour on suit Taylor qui se réveille un matin dans le lit d’Evan qui est le pire tombeur que la terre ait jamais connu. Tout de suite les langues se délient et les rumeurs courent. Comment dompter ces on-dits et faire en sorte de préserver leurs réputations ? Taylor ne voit qu’une seule solution, signer un contrat qui les obligera à faire semblant de sortir ensemble. Allez, juste quinze jours, histoire que tout le monde oublie un peu tout ça et passe à quelqu’un d’autre…

Poursuivons avec Les sœurs Hollow de Krystal Sutherland Génial ! Absolument divin comme le parfum de ces sœurs qui envoûtent et tourmentent ceux qui les approchent. Il y a dix ans, les sœurs Hollow ont disparues à minuit dans une ruelle d’Edimbourg la nuit du nouvel an. Nul ne sait où elles sont allées jusqu’à ce qu’elles réapparaissent un mois plus tard. Les parents étaient certes heureux mais rapidement le père se tourmenta. Il voyait bien que ces filles n’étaient pas ses filles. Elles avaient les yeux noirs, non plus bleus et les cheveux blancs, non plus bruns. Que leur était-il arrivé ? Avaient-elles changé ? Quel était cet étrange pouvoir crépitant dans leurs veines ? Fascinant !!

Hmm… et si on poursuivait dans l’étrange avec un ouvrage interdit aux moins de 18 ans ? Ali baba et les 40 voleurs version conte interdit de L. P. Sicard. Outch, bien dégueu tout ça. C’est un peu long au début, ça met du temps à démarrer mais alors la fin enchaîne les vengeances c’est extra d’horreur allant de pire en pire. Ali est un ivrogne. Il trouve le bunker d’un dealer et en parle à son frère Cassim. Il le piège ainsi en lui disant de le retrouver le lendemain en sachant pertinemment que Cassim ne résisterait pas à la tentation de vérifier les dires de son frère. Ali l’aurait parié. Il tient alors entre ses mains l’opportunité de se venger de celui qui le dénigre depuis tant d’années.

Sortons désormais un peu de cette noirceur avec une bande dessinée : Jours de sable d’Aimée de Jongh. Génial ! Le sujet est fort et porte sur la vie dans le Dust Bowl dans le milieu du XXe siècle. Cela parle des nuages de poussière causés par l’homme et sa soif de convertir le monde à son image, de le tuer avec une trop grande agriculture. John vient de New-York pour faire un reportage photo mais va vite se rendre compte que cela ne rend pas hommage à la réalité. Quelle est-elle d’ailleurs ? Et comment vivent ces pauvres gens si éloignés du monde des vivants…

La Sirène Tranchante espère que tout ceci vous a plu !

À très vite !

Hatanna

La Guerrière des Claparèdes – Célia B.

Prologue

Une cuirasse à terre. Des corps qu’on enterre. Elle regarde fièrement le résultat de son dernier coup d’éclat. Ses cheveux humides collent son visage. Ils sont assortis d’un mélange de boue et de sang. Elle se sent apaisée. Sa lame vient de se gorger. Elle la range aux côtés de son bouclier. Ses mains sont douloureuses. De multiples entailles les assaillent. Elle essuie le coin de ses lèvres gercées par le froid. Assouvir ses pulsions, il n’y a finalement besoin de guère plus pour être heureux.

En des temps reculés et anciens, les dieux avaient pour seul loisir le combat. Faire la guerre les divertissait, nul besoin de raison. Et cet Art n’était pas réservé qu’aux hommes. Certaines femmes excellaient même dans ce domaine. C’était le cas de la première reine des Amazones. La seule qui parvint à rassembler ce peuple et à les unir. Une femme si sûre d’elle que rien ne l’effrayait. Chaque terrain devenait le sien du moment qu’elle le foulait. Même les grands plateaux ne pouvant la dissimuler face à ses assaillants lui étaient favorables. C’est ce qui fit sa force et renforça la crainte de ses adversaires. De nombreuses cicatrices jalonnaient son corps. Elle fonçait toujours et n’envoyait jamais ses guerrières seules. Elle était généralement en première ligne, ne témoignant d’aucune pitié. Son bouclier la préservait de quelques coups et ses épées fendaient les chairs. Des champs de désolation, aucun survivant. Elle aimait se retrouver seule face à son œuvre. Massacrer la galvanisait. Elle se posait ainsi, observant l’horizon et le coucher de soleil, les pieds baignant dans une mare de sang.

Elle avait néanmoins parfois besoin d’un peu de repos. Elle trouvait alors refuge dans la région qui la vit naître. Celle qui sent bon la lavande et où les cigales chantent quand il fait chaud. Elle aimait se perdre dans cette nature odorante qui lui permettait de se sentir chez elle. Ce lieu se nommait les Claparèdes. Et elle se nommait Orhiane.


Des combats, il en existe de toutes sortes. Et bien que certains n’en aient pas besoin, d’autres ont des raisons de souhaiter la mort.

Il la regarde par le trou de la serrure. Ceci dit, il n’a pas vraiment besoin de ses yeux pour comprendre ce qu’il se passe de l’autre côté de la cloison. Les bruits parlent d’eux-mêmes. Les cris de sa femme sont si intenses qu’on les dirait faux, poussés à l’extrême. La simulation n’était pourtant pas son fort la nuit dernière. Il comprend mieux pourquoi elle n’éprouvait pas beaucoup d’enthousiasme. Elle a su trouver mieux, encore. Quand parviendra-t-il à ne plus pardonner ? Ce n’est pas comme s’il ne savait pas. Il sait et, pire encore, il en a la preuve. Au diable cette foutue règle des premières fois qui sont censées vous unir à jamais. Il n’en a cure. Ce qu’il aimerait c’est lui faire payer tous ces coups bas, tous ces affronts. Ce n’est plus des cornes qu’il a. Ce sont carrément des défenses.

Les voir ne lui procure aucun plaisir mais il se dit qu’ainsi, peut-être, l’image de son épouse sera ternie. Il aimerait la voir tel le démon qu’elle est réellement. Il aimerait tant la détester pour ce qu’elle lui fait subir chaque nuit, chaque jour. Il la voit ainsi chevaucher ce nouvel étalon. Il grave en mémoire chacun de ses traits. Pour ce qui est de son cas, aucun doute là-dessus, il saura trouver la torture idéale. Foutu guerrier ! Dieu de la puissance ? Tu parles ! Le dieu de la forge rumine. Il jure intérieurement. Ce qu’il faudrait c’est que sa femme tombe enceinte. Comme ça il aurait tout loisir de nourrir sa colère contre l’enfant. Il pourrait ainsi l’atteindre par le biais de sa progéniture. Une vengeance parfaite ! S’il ne peut se défaire de son aimée, il trouvera le moyen de la faire souffrir autrement. Et il connaît la déesse idéale pour l’aider à tendre ce piège. Elle saura comment procéder. Après tout, avoir un bébé n’est pas si compliqué.

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Sélection d’Hatanna – Juin 2021

Hellow tout le monde !

C’est parti pour une sélection du mois tout en  BD ! Prêts ?

Tout d’abord, commençons par Peau d’homme d’Hubert (scénario) et Zanzim (dessins). Cette BD est absolument géniale ! Le dessin peut freiner au départ mais le scénario permet de passer bien au-delà ! Une jeune femme est sur le point d’épouser un jeune homme. Pourtant elle ne connaît rien de lui, et cela était monnaie courante à l’époque. Par chance, sa famille a en sa possession une peau d’homme. Un bien fort utile quand il s’agit de changer de visage afin d’apprendre à connaître son futur aimé. Mais est-elle prête à découvrir ce qu’elle s’apprête à découvrir ? Elle cache peut-être son apparence véritable, mais est-elle la seule ? On se laisse totalement emporter par ce récit qui innove et met en exergue la liberté de cette jeune femme et la possibilité pour un couple de s’épanouir à partir du moment où on se fiche totalement de ceux qui nous entourent.

Poursuivons avec une BD tout aussi géniale ; Anaïs Nin de Léonie Bischoff. Fantastique ! La Sirène Tranchante connaissait seulement le nom de cette personnalité sans pour autant savoir ce qu’elle avait accompli. C’est désormais chose faite. Attention néanmoins à ne pas laisser cet ouvrage entre les mains d’êtres innocents. La vie d’Anaïs Nin est plutôt libérée, un brin sulfureuse même. Ceci dit, rien à voir avec la bande dessinée Les Filles perdues d’Alan Moore. Pour en revenir à notre protagoniste, elle évolue dans le Paris des années 30. Écrivaine, elle est mariée à un banquier et sa vie semble au départ bien monotone. Elle va néanmoins faire la rencontre de plusieurs personnes qui vont lui permettre de s’épanouir dans sa vie personnelle, professionnelle et surtout sexuelle. On dirait parfois même qu’elle ne se rend pas compte de ce qu’elle fait, un peu comme si elle rentrait en transe. On va également découvrir une partie de son enfance et une relation avec son père pour le moins dérangeante…

La BD qui suit est également spectaculaire ! Un bijou de culture G ! Nellie Bly, ça vous dit quelque chose ? Peut-être seulement de nom, comme pour la Sirène Tranchante au départ. Eh bien dans l’ouvrage Nellie Bly de Virginie Ollagnier et Carole Maurel il est question de cette femme remarquable ! Jeune journaliste, elle décide de se faire passer pour folle afin d’intégrer l’asile Blackwell. Elle y parvient sans mal et nous montre ainsi l’horreur de ce lieu où les femmes sont enfermées non car folles mais car pauvres ou dérangeantes aux yeux de la société. Elles sont atrocement traitées par le personnel et les médecins ne daignent même pas les ausculter. Normal, elles ne sont pas malades. Le parcours de cette femme est remarquable. Elle s’est indignée de la condition de ses congénères et a eu raison de certains combats qu’elle a eu le cran de mener. C’est un exemple de force et de volonté, car mû par ses idées, elle a su faire entendre sa voix.

Enfin, parlons de L’Homme sans sourire de Stephane Louis et Stephane Hirlemann. Quelle claque ! Cette sorte de fable très sombre est carrément marquante ! La Sirène en a gardé les images en tête pendant un moment ! Et les perspectives des dessins sont si réalistes qu’elle crut à plusieurs reprises l’avoir vu sur écran plutôt que lu sur pages. Un travail impressionnant ! Quant à l’histoire… elle est très sombre. Dans ce royaume, seul le roi et ses sujets juchés sur une haute tour ont le droit de rire et de sourire. Si vous enfreignez la loi, vous autres situés en bas, vous aurez les joues coupées à jamais afin que la royauté soit certaine de ne jamais vous voir sourire de nouveau. Quant à ce qui se passe en haut, tout n’est pas aussi rose qu’on le croit. Le roi a certes l’unique droit absolu de rire, il n’en est pas pour autant heureux. Et son frère convoite le trône. Parviendra-t-il à l’obtenir ? Ce conte est en réalité sans réelle fin. Car peu importe qui est au pouvoir, quelqu’un d’autre désirera sa place. Et le plus terrible, c’est que cette métaphore peut en fait nous permettre de remettre certaines choses en perspective. Une BD donc dérangeante, perturbante, bien construite et déroutante.

La Sirène Tranchante s’arrête là pour aujourd’hui, en espérant vous avoir donné envie d’en apprendre davantage sur certains titres, voire tous !

À très vite !

Hatanna

Tyserem – Célia B.

Prologue

À longueur de temps, les gens se questionnent sur la vie, sur leur avenir, sans jamais cesser de vivre dans le passé. Ils aiment se triturer les méninges et ont énormément de mal avec les éléments qu’ils ne comprennent pas, que ce soit au niveau de l’éthique, de la sexualité ou des pratiques de celles et ceux qui les entourent. C’est donc dans cette conjecture de rejet que nul être ne se penche réellement sur la question d’un double. Un être à l’opposé de soi. Un être qui se baladerait sur les grandes plaines d’un monde parallèle.

Les parents ! Quelle magnifique invention pour ceux qui en ont. Ces êtres dotés d’une emprise remarquable sur leur progéniture mais qui en usent parfois à l’abus. On entend tellement d’histoires répugnantes à leur sujet ; un enfant congelé, un enfant violé, toutes ces horreurs qui à l’heure actuelle semblent beaucoup trop courantes. Non mais sans rire, si vous faites des gosses c’est pour les aimer, pour les chérir, pas pour les jeter dans une benne à ordures. Nombreux sont ceux qui rêveraient d’en avoir. Malheureusement, la nature en a décidé autrement, les privant du privilège d’enfanter. C’est terrible pour une mère qui aime ses enfants d’entendre pareilles atrocités. Alors imaginez celle qui ne peut connaître cette joie et qui en voit certaines piétiner cette idée même.


Les parents sont censés être là pour leurs enfants, les soutenir, être présents pour les premières fois, pour les exploits, mais aussi lors des échecs. Ceux sont les guides, ceux qui nous permettent d’avancer. Alors, comment grandir avec une mère disparue et un père inconnu ?

Karen Destot, tel est le nom que l’on me donne. Jeune fille en apparence ordinaire, presque banale. Une bonne éducation, une vie d’adolescente comme toutes les autres avec ses abus et ses coups de blues. Quelques phrases bateau et voilà, le tour est joué. Imprévisible, c’est ce qui semble me définir. Les gens qui m’entourent ont beaucoup de mal à me cerner. Quant à mes parents, mon père demeure inconnu au bataillon depuis de nombreuses années et j’ai perdu ma mère il y a de cela deux ans. Une explosion a eu lieu alors qu’elle enquêtait sur un meurtre dans une usine près de chez nous. Son travail de médecin légiste la catapultait parfois dans des situations quelque peu délicates. Et sa famille passait toujours au second plan. Je n’ai jamais passé de longues soirées à ses côtés à l’écouter me raconter des histoires ou à apprendre à la connaître davantage. Non, rien de plus qu’une simple fille qui connaît sa mère en la croisant tous les jours lorsqu’elle part au travail. Il lui arrivait même de ne pas rentrer du week-end. Mais elle n’est pas la seule dont le métier a coûté la vie. Sarah, Marie et Elly ont également perdu leur mère ce jour-là. Respectivement inspectrice, avocate et journaliste. Pénélope Molipet, Gabrielle Bano et Anna Sali avaient elles aussi connu une fin tragique.

Cet événement marquant a indéniablement resserré les liens qui nous unissaient. Amies depuis déjà plusieurs années, nous n’aurions jamais pu imaginer la direction que prendraient nos vies après cela. Du jour au lendemain, nous nous sommes retrouvées à vivre ensemble, sans parents, avec pour seul mentor ma grand-mère adoptive – une amie proche de mes parents que j’avais toujours considérée comme telle. À croire que nos mères avaient tout prévu. Nous héritions d’une somptueuse villa et ma grand-mère adoptive devenait pour chacune de nous le tuteur légal, les filles n’ayant pas davantage de figure paternelle. Elle ne vivait pas avec nous mais était là en cas de besoin. Pourquoi pas un orphelinat ? Une émancipation anticipée ? Nous ne nous étions jamais vraiment posé la question. Ce rythme de vie nous allait bien. Au final, c’était un peu comme une grande colocation. Nous étions libres et je pense que c’est ce que nos mères désiraient. Une liberté sans faille. On se demande bien pourquoi !

Bien qu’autonomes, nous n’avions que 15 ans lorsque le drame survint. Vivre avec des courants d’airs forge le caractère, j’imagine. L’accommodation à ce nouveau mode de vie fut donc rapide. Sans compter que nous avions l’habitude de passer des semaines entières chez les unes ou chez les autres, ce qui facilita la cohabitation. Étant quatre jeunes filles en effervescence, nous nous étions instaurées des règles relativement souples. Nous n’étions pas là pour nous prendre la tête mais simplement pour paraître plus ou moins normales aux yeux des autres qui ignoraient tout de notre histoire. Il y avait Sarah, la calme, la réservée. Jamais un mot plus haut que l’autre. Toujours dans la norme. Classe et discrète. Un corps menu, un teint pâle et des cheveux châtains, presque banale. Elle sortait avec mon meilleur ami et ensemble ils formaient le couple parfait. Ça en devenait presque ennuyeux. Puis il y avait Elly. Un tempérament de feu et des idées bien arrêtées. Une âme d’artiste, l’appareil photo à la main à la moindre occasion, elle passait quand même le plus clair de son temps avachie dans le canapé à regarder des séries. La flémingite aigüe l’avait assaillie. La procrastination était dès lors devenue sa devise. Elle avait plutôt une allure rock’n roll avec sa tignasse d’encre et son trait d’eyeliner sur les yeux. Ses ongles étaient quasi toujours vêtus de sombre. Elle aimait ça ; passer pour la gothique du bahut. Et enfin, il y avait Marie. Ah Marie ! La déesse de la mode. Une vraie bombe. Une chevelure dorée à vous éblouir, un sourire ravageur, et des tenues toujours parfaitement ajustées à ses formes particulièrement généreuses. La nature était bien faite, comme elle avait coutume de nous le rappeler. Elle ne jurait que par la mode et gare à celle qui sortirait dépareillée en sa présence. Quant aux garçons, ils tombaient tous comme des mouches. Un aimant à mecs ! Et si elle était dans les parages, il était inutile d’espérer attirer le regard d’un des spécimens. Ils ne voyaient qu’elle.

Cette expérience nous a fait grandir plus vite que d’ordinaire. Chacune avait ses propres traits de caractères mais les assumait et acceptait ceux des autres. À la fois déjantées et sérieuses, l’idée de départ restait de nous fondre dans la masse. En tout cas, c’était la mienne. Pour les autres, je ne pouvais en être certaine. Attirer tous les regards sur nous n’était pas vraiment le bon plan. Je n’avais guère envie qu’un inspecteur de la Ddaas vienne nous récupérer pour nous dispatcher sur le continent. Je parvenais parfois tellement à faire comme si je n’existais pas qu’on ne s’apercevait de ma présence qu’en fin d’année. La fille invisible et ses secrets, ses mystères.

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La Légende de la Sirène Tranchante – Célia B.

Prologue

Elle regarde sa main se poser. Ce n’est pas la sienne. Du moins, c’est tout comme. Elle ne sait plus ce qu’elle sent. La vivacité l’a-t-elle désormais désertée ? Une vague douleur entre les côtes la tiraille pourtant depuis quelques jours. Qu’a-t-elle fait ? Telles ses angoisses nocturnes, ses plans culs s’enchaînent et s’additionnent sans qu’elle puisse en tenir à jour le registre. Trop peu de temps… Entre deux, elle bosse. Elle ne laisse aucun repos à son cerveau. Si elle n’est pas en train de parler avec un nouvel étalon, c’est qu’elle le chevauche. Et si elle n’est pas en pleine course d’équitation, c’est qu’elle a le nez dans ses papelards.
Elle est étendue sur le lit. Ses yeux se vident. Sa main pâlit de seconde en seconde. C’est à peine si elle parvient à remuer le bout de ses doigts. Ses yeux vacillent, ses paupières se ferment. Rester éveillée semble insurmontable. Des douleurs parcourent son corps par à-coups puissants. Elle sent une main froide la saisir par la crinière et lui intimer de garder le regard fixe. Elle a froid. Un nouveau spasme puis un flash. Elle se souvient. La brûlure de sa gorge ravivée par la capilotraction l’a ramenée à la réalité. Encore un de leur jeu absurde. Elle aime se faire attacher, mais se faire étrangler… n’est-ce pas un peu violent ? Elle sent ses mains continuer de la caresser. Il n’a donc rien remarqué. L’emprise a été rompue il y a peu et c’est ainsi qu’elle reprend conscience de ce qui l’entoure. Les murs froids et humides de cet antre l’emprisonnent. L’obscurité entre en elle tandis que la grotte s’éveille. Elle tourne délicatement la tête vers lui. Une larme glisse de son œil et vient se loger sur l’oreiller. Il n’a pas ralenti la cadence. Remarquant son regain d’intérêt, il accélère. Saisissant ses jambes avec poigne et les passant autour de son cou, il fait quelques brefs va-et-vient puissants. Elle tente de se redresser mais il la fige contre le matelas.
« Laisse-toi faire », lui murmure-t-il. Elle perd alors le contrôle. Les ennuis ne font que commencer.


My Bloody-Valentine. C’est le nom de son album préféré. Et ce n’est pas uniquement dû au fait que son meilleur ami l’ait expressément suppliée de faire le dessin de couverture. Elle, une artiste ? Non. Elle est d’ailleurs plus maudite qu’artiste, des dires de ses vieux potes. Mais qu’importe. Ce qu’elle veut c’est simplement une occupation. Aucune restriction. Juste l’inspiration du moment. Seule ou à plusieurs. Rien ne l’arrête. Alors quand il le lui a demandé, elle n’a pu résister à la tentation de se servir une fois de plus de ses mains pour rendre service. Du moment que cela convient au receveur.
Mais forcément, quand elle est en panne d’inspiration et qu’elle ne canalise plus ses émotions, elle énergise en surplus et cela ne convient pas à ses nuits. Sa température corporelle augmente dangereusement et c’est cauchemars assurés. Traversant les ténèbres, ils se glissent dans ses draps et deviennent les meilleurs amants, de ceux toujours présents au réveil, de ceux qui apportent les croissants et restent déjeuner. La musique n’a plus aucun impact, elle n’a plus cette puissance, autrefois utilisée tel un talisman. Elle ne fait plus office que de figurant. Les enfermer dans une cage ne servirait de toute façon à rien. Ces fantômes de la nuit lui rappellent qui elle est vraiment et d’où elle vient. Ils la maintiennent en vie, en quelque sorte. Sans eux, elle ne se reconnaîtrait déjà plus dans le miroir. Jouer à faire semblant coule dans ses veines, c’est inné cette présence théâtrale, ce mensonge.
Encore une fois, ses yeux se ferment. Il est tôt. Elle sait pertinemment que si elle se laisse aller à cette heure-ci, sa nuit sera torride. Alors, elle s’accroche à ces quelques pages qui la séparent du palier salvateur. Ce fameux 23 h. Elle somnole mais tente de rester consciente. Cette nuit sera de courte durée. Attachez vos ceintures, le compte à rebours est lancé.

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